Quand on discute avec Raoul Savoy, entraîneur du CODM, on ne parle pas que de football, même si ce sport représente plus qu’une passion pour ce jeune entraîneur suisse. On peut aussi discuter longuement du dessin de presse, une autre passion, et s’attarder sur une caricature de Plantu, mais ceci est une autre histoire… Pourtant, on revient toujours au ballon rond. Leader du championnat marocain, (sans avoir encore pris de buts s‘il vous plaît !), le club de la capitale ismaïlienne a un énorme challenge en perspective : la coupe de la CAF. Des enjeux dont il est question dans l’entretien qui suit. Un entretien qui nous renseigne davantage sur cet entraîneur qui, malgré son âge, trente et un ans, a réussi à rouler sa bosse footballistique dans son pays. Entraîneur depuis l’âge de vingt-un ans, il prendra quelques années après (en 2002-2003) les commandes du célèbre club camerounais, le Tonnerre Yaoundé. Un club médiatisé qui attire les passions des supporters et des médias. Au Maroc, il est moins exposé aux médias : « Je suis peu sollicité par les médias ici.. Je le suis quand on gagne contre le Raja ou le Wydad. Je pense que le CODM n’est pas assez médiatisé même si la saison dernière, nous avons été au coude à coude avec les FAR pendant très longtemps…», explique-t-il. Aussi nous racontera-t-il avec un agréable accent qui ne peut que nous rappeler sa Suisse natale, ses sensations sur le banc de touche qu’il décrit ainsi «cette chair de poule à cinq minutes de la fin alors que votre équipe mène au score». Pour lui, «Le banc de touche donne des sensations que l’on ne retrouve nulle part ailleurs. Et c’est dans les deux sens, négatif ou positif. C’est magnifique…». Entraîneur de football, ce sport est toute sa vie : «C’est un métier de vingt-quatre heures sur vingt-quatre». Mais sa vie de famille arrive à le sortir de cet univers, surtout son épouse, qui partage avec lui cette passion nommée football. -Vous êtes entraîneur du CODM depuis la saison dernière. Comment cela se passe-t-il ? Bien.. Après une saison. La première année, on découvre la mentalité, les stades, les équipes. C’est un réel exercice d’évaluation. La seconde année, on sait où l’on met les pieds. On prépare mieux les joueurs et les matchs. J’utilise souvent cette image : pour bien manger, il faut l’entrée, le plat principal et le dessert. Je suis actuellement au plat principal. Le dessert sera une récompense.. -Quels sont vos objectifs pour l’actuelle saison ? L’objectif est multiple. Dire que nous visons le titre, c’est très précis. Il faut d’abord stabiliser l’équipe. Nous avons flirté avec le titre l’année dernière. Cette année, nous essayerons de nous attacher au wagon de tête. L’objectif va s’affiner au fil des journées. Nous verrons plus clair au printemps prochain . Nous saurons si nous voulons viser le podium ou briguer une place en coupe d’Afrique… Je pense qu’à partir de la vingt-quatrième journée, ce sera le sprint final. -Vous êtes quand même un entraîneur très jeune. Vous avez trente et un ans. Cela vous pose-t-il des problèmes? C’est une question piège. Pour vous répondre, je pense que mon âge ne me pose aucun problème. Mais, dire qu’on est expérimenté à trente et un ans, c’est faux. Je n’ai pas le même vécu qu’un entraîneur qui a quinze années d’expérience. Par contre, être de la même génération que les joueurs m’aide beaucoup dans ma tâche. Je suis très sévère avec eux, très dur. J’ai envie qu’ils démontrent ce qu’ils ont dans le ventre. Je sais être souple quand il le faut. Didier Des champs par exemple, malgré ses trente-cinq ans, a su faire son chemin dans le football européen. -Le CODM s’est séparé cette saison de deux de ses meilleurs éléments, en l’occurrence Benkassou et Jaafari. Comment gérez-vous ces départs ? En principe, ce sont les meilleurs joueurs qui partent. L’an passé, les deux joueurs que vous venez d’évoquer étaient certes importants, or, personne n’est indispensable. Nous disposons de trente (30)-cinq joueurs pour pallier ce genre de choses. Le CODM est un club formateur. Quand d’autres clubs plus riches que nous, font une proposition alléchante à un joueur, il lui est difficile de la refuser. Le cas du CODM ressemble à celui d’Auxerre. Une équipe pillée par les grands clubs. C’est devenu malheureusement logique dans le football moderne. -Et le cas du gardien international Gassi, que vous avez recruté en début de saison et qui se retrouve sur le banc de touche ? Je voulais trois gardiens de qualité. Nous jouons le championnat, la coupe du trône et la coupe de la C.A.F. Il faut que nos buts soient bien gardés durant tous les matchs. Il faut aussi faire des choix. Il y aura sûrement des frustrés. Mais chacun aura forcément son moment. -Quand aviez-vous appris que vous participez à la coupe de la C.A.F ? Nous l’avons su, il y a un peu plus de trois semaines. Une rumeur qui se confirma par la suite, à quelques jours de la clôture des transferts. -Pensez-vous disposer de l’effectif nécessaire pour affronter une compétition africaine ? Actuellement, nous sommes un peu courts. La coupe de la C.A.F commence fin janvier 2005. Nous avons le MERCATO pour recruter deux à trois joueurs de qualité, surtout si nous voulons conserver nos objectifs. -Vous n’avez pas encaissé de buts depuis le début de la saison, mais vous n’en marquez pas beaucoup non plus… C’est une bonne satisfaction sur le plan défensif. Nous manquons de réalisme sur le niveau offensif. Nous travaillons cela à l’entraînement pour «mettre le ballon dedans». Nous devons être réalistes dans les quinze derniers mètres… -Que pensez-vous du championnat du Maroc ? Le championnat marocain manque de buts spectaculaires. Je pense qu’on peut arriver à marquer plus de buts… Quand une équipe gagne deux buts à zéro, les journalistes disent qu’elle a écrasé l’adversaire, ce qui n’est pas forcément vrai. Les équipes se valent et tout le monde peut battre tout le monde. Il n’y a pas de matches faciles. Bien sûr, il y a de grosses écuries qui bénéficient de plus de moyens. Mais c’est également le cas dans les autres championnats d’élites, même en Europe. Il faut donc toujours travailler sans retenue, afin de ne rien regretter. Pour pouvoir se regarder en face et surtout ne jamais faire de complexes. -Pensez-vous à votre avenir après le CODM ? Je n’y pense pas. J’aimerais rester encore une saison au CODM pour confirmer. Quand on passe trois ans dans un club, on est plus stable. Je n’aime pas jouer à la girouette. -Vous avez été entraîneur du Tonnerre Yaoundé avant de venir au Maroc. Selon-vous, existe-il des différences entre le championnat marocain et celui du Cameroun ? Les problèmes sont les mêmes: l’amateurisme, les structures, les joueurs. La différence entre le sub-saharien et le maghrébin, c’est que ce dernier est moins physique mais plus technique. Au niveau des mentalités, c’est la même chose. On doit gérer les mêmes baisses morales chez les joueurs La préparation psychologique chez ces derniers est la même. |